EXTRAIT- Début de la nouvelle

 

A Coeur Perdu


Nouvelle de Fabienne Rivayran, dans Les Noires... plein Pau, 2011.

 

Vendredi 20 avril 1962

 

"Bonjour, je suis Roberto Gianini. Voici ma femme et mon fils.

- Bonjour monsieur et madame Gianini, bienvenue au Continental. Vous aurez la suite 19, comme convenu.

- Pour le repas, demain soir, j'avais demandé...

- Le chef est au courant, monsieur, tout sera prêt selon vos instructions.

- Hugo, je crois que si tu es sage, demain soir, tu auras une surprise.

- C'est pour mon anniversaire, papa, dis? C'est pour mon anniversaire?

- Voici vos clefs, monsieur. Louis! Vous montez les bagages à la 19. Madame, monsieur, je vous souhaite un très bon séjour à Pau."

 

Tu te sens fatigué, après ces longues heures de train mais tu es si heureux d'être ici avec Sonia et Hugo. Habituellement, tu partages tes chambres d'hôtel avec d'autres pilotes ou bien tes mécaniciens, pour ne pas être seul. Ta femme ne veut plus venir sur les circuits depuis ce dimanche de février 58, à Reims, lors d'une séance d'essais qualificatifs. Aux premiers tours, tout allait bien. Et puis il a fallu que, dans ce foutu virage... quelques centimètres mordus sur l'herbe mouillée. Quinze jours d'hôpital, trois vertèbres secouées, une main salement amochée. Pourtant, un mois après, tu pilotais à nouveau. Parce que tu savais que, dans la jungle des circuits, mieux vaut ne pas se faire oublier trop longtemps. Tu arrivais sur le circuit avec une minerve, tu l'enlevais le temps de la course et tu repartais en serrant les dents te bourrer de calmants.

 

A Roaring Heart.

 

(by Fabienne Rivayran. Original Title : A coeur perdu. Translated by Céline Laurent-Santran. Many thanks to Leesa Jenkinson for reading the text over and for her advice)

 

Friday, April 20th, 1962.


-          Hello, I’m Roberto Gianini, and here are my wife and my son.

-          Good morning Mr and Mrs Gianini, and welcome to the Continental. You’ll have the suite number 19, as agreed.

-          About tomorrow night’s dinner, I’d asked…

-          The Chef has already been informed Sir, everything will be ready according to your instructions.

-          Hugo, a little bird tells me that if you’re very nice, you’ll have a surprise tomorrow night…

-          For my birthday, Dad? Tell me! For my birthday?

-          Here is your key, Sir. Louis! Please take the luggage upstairs to number 19. Sir, Madam, I wish you a very pleasant stay in Pau.

You feel exhausted, after such a long journey on the train, but you’re so happy to be here with Sonia and Hugo! You usually share your room with other pilots or with your mechanics. You don’t like to feel lonely. Your wife no more wanted to come to the races since that bloody Sunday, in February 1958 in Reims, during the practice. Everything was running smoothly though, for the first laps. And then, in this bloody bend… a few inches aside, and the car strayed onto the wet grass. You spent a fortnight at the hospital with three vertebras pretty shaken and a hand badly smashed. A month later, however, you were on the starting blocks again. You knew that in the race jungle, you’d better not stay away for too long. You would arrive on the circuit with a collar, take it off for the race, and leave while clenching your teeth to gulp down painkillers.

 

CONCOURS DE TRADUCTION ORGANISE PAR VOCABLE, 2007.

 

Lettre rédigée par Jack Kerouac en 1959, adressée à ses amis poètes Allen Ginsberg, Gregory Corso et Peter Orlovsky.

Lauréate du concours avec la traduction suivante :

 

Chers Allen Gregory, Peter,

 

On dirait que mon voyage à Harvard va tomber à l'eau de toute façon parce que Holiday Magazine veut ces deux articles d'ici le 30 mars et il me faudra plusieurs jours pour les taper et aussi pour étoffer nos phrases à partir de notre brouillon. Autrement dit, je reste à la maison à engranger des sous pour l'Inde et la Crète. D'ailleurs, je suis vanné. D'écouter les enregistrements de Chicago (les cassettes) et de repenser aux lectures de poésie, ça m'a encore une fois ruiné le moral. Toujours répéter la même chose à des auditoires différents, toujours cette ardeur à vouloie être accepté. Enfin, vous savez ce que j'en pense et ce que j'en pensais déjà à Fresco.

Ci-joint le fric que je vous dois, un chèque de 15 dollars. Si jamais je perds subitement la boule et que je décide d'aller à Harvard avec vous, de toute façon je serai à votre piaule vers 3 ou 4 heures jeudi.

Mais ça, c'est seulement si je finis et si j'envoie ces deux articles à temps. Quasiement impossible. Qu'est-ce que vous pensez de la typographie de ma nouvelle machine à écrire?

L'American College Dictionary m'a envoyé sa belle définition bien nase de "beat generation", ils voulaient savoir si je souhaitais la modifier, la corriger ou en faire une nouvelle. La leur est pas piquée des vers, "certains membres de la génération qui atteignirent la majorité après la Seconde Guerre mondiale et qui prônent le détachement de toutes valeurs et contraintes morales et sociales, désabusés qu'ils sont, apparemment, par la Seconde Guerre. Forgée par JK."

Du coup, je leur ai envoyé celle-là : " beat generation, certains membres de la génération qui atteignirent la majorité après la Seconde Guerre mondiale - Guerre de Corée et qui se sont réunis pour relâcher les tensions sociales et sexuelles et embrasser une doctrine alliant le laxisme, une rupture mystique de toute attache et des valeurs simples, désabusés qu'ils sont, apparemment, par la Guerre froide. Forgée par JK."

Si je ne viens pas à Harvard, vous n'aurez qu'à leur balancer cette définition en leur disant que je "plaide le travail comme excuse pour ne pas assister à la lecture de Harvard, puisque tout garçon du Massachusetts qui se respecte rêve de Harvard."

Ma mère (qui ne veut pas que j'aille me pochtronner tout le temps à New York, et moi aussi, ça me rend malade, je me dégueulasse et j'arrive plus à rien dans le travail) vous invite tous les trois à venir ici quand vous voulez, donc après Harvard, faisons nos cassettes et tout le toutim. Et vous pourrez aussi voir mes peintures etc. Et aussi, Allen, j'ai reçu une copie de Jabberwock pour toi, envoyée par des gros pontes écossais qui veulent publier notre travail là-bas à l'automne. Et d'autres trucs. De toute façon, je vous raconte pas d'histoires. Quant à ma récente ivrognerie qui a viré en pugilat, je viens de me rendre compte aujourd'hui que tout ça a commencé en avril dernier juste après que ce con m'eut fracassé le crâne avec sa grosse bagouse...peut-être que j'ai subi un dégât cérébral, peut-être que dans le temps, j'étais un ivrogne gentil, mais que maintenant je suis un ivrogne au cerveau plombé avec la valvule de la gentillesse bouchée à l'émeri par la blessure.

A plus. Adieu.

Jack.

 

Vous pouvez aussi retrouver des articles que j'ai traduits sur la page du site d'ulyce:

http://www.ulyces.co/celine-laurent-santran/